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Laissez parler les p'tits papiers !

Tracts, affiches, prospectus, coupures de presse, cartes postales, dépliants, brochures, recueils, bulletins, publicités… En plus de cinquante ans, le passionné et érudit Paul Destribats a rassemblé une exceptionnelle collection de douze mille « petits papiers ». Avec le nouvel accrochage « Petits papiers du 20e siècle », le Centre Pompidou célèbre ce fonds, qui vient d'entrer par dation à la bibliothèque Kandinsky. L'occasion de découvrir le rôle fondamental joué par les arts imprimés dans la naissance et le développement des avant-gardes, entre futurisme, dadaïsme, surréalisme, surréalisme belge, groupe MADI, lettrisme ou situationnisme.

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Au début de l’année 2021, le Musée national d’art moderne a acquis par voie de dation l’extraordinaire collection de « petits papiers » de Paul Destribats (1926-2017). Composée de douze mille pièces mêlant manifestes, tracts, affiches, prospectus, programmes, prières d’insérer, coupures de presse, cartes postales, dépliants, brochures, recueils, fascicules, bulletins, publicités, communiqués, cartons d’invitation, plaquettes, placards, tirés-à-part, pétitions ou catalogues d’exposition, cette collection à l’incomparable profondeur a rejoint le fonds de la bibliothèque Kandinsky. Elle y complète le magnifique ensemble de périodiques et de revues d’avant-garde constitué par Paul Destribats, acquis au titre de Trésor national grâce au mécénat du groupe Lagardère en 2005.

 

Les petits papiers rassemblés avec passion et rigueur par Destribats pendant près de cinquante ans permettent de comprendre le rôle fondamental joué par l’imprimé dans la naissance et le développement des avant-gardes. Pas n’importe quelles avant-gardes : la collection impose en effet une lecture radicale de l’« avant-garde », une lecture qui prenne, comme dirait Karl Marx, la chose à la racine ; l’avant-garde dans son acception conquérante ; l’avant-garde comme mouvement d’affirmation de soi par le choc, selon une dynamique de rupture avec les conventions en vigueur. C’est ce sens-là qu’assigne à l’« avant-garde » un Clement Greenberg dépité par l’évolution de l’art dans les années 1960 pour en distinguer (et ainsi sauver) la « peinture moderniste » ; c’est aussi celui que commandent de facto les petits papiers, se répartissant entre futurisme, dadaïsme, surréalisme, surréalisme belge, lettrisme ou situationnisme, atteignant pour certains d’entre eux une quasi-exhaustivité. Pour tous ces mouvements d’avant-garde tendus par la rupture avec la tradition, le texte – un manifeste, un placard, une simple annonce – joue un rôle central.

L’intérêt présenté par la collection des petits papiers est majeur à plus d’un titre. Du point de vue documentaire, les petits papiers renseignent souvent sur des événements qui n’ont laissé d’autres traces que publiées et dont on ne trouve le témoignage que dans le secret des correspondances. Il s’agit donc d’une ressource précieuse pour la recherche. Mais la richesse de cette collection dépasse largement l’aspect documentaire : les petits papiers recèlent d'une évidente valeur esthétique, tant du point de vue graphique que littéraire, montrant la place prépondérante occupée dans la pratique artistique de nombreux mouvements d’avant-garde par des formes d’expression ouvertes à une « réception collective simultanée », comme l’écrit l’historien de l’art Benjamin Buchloh : celles de l’imprimé. Œuvres tout autant que documents, ces petits papiers constituent un prodigieux apport pour la collection du Centre Pompidou. ◼

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