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La Mer de peau

Décembre 1959

Jean Dubuffet

La Mer de peau est constituée d’un assemblage de feuilles d’agave formant une surface quasi monochrome à laquelle le plissé, les bourrelets et les tonalités subtilement variées produisent l’effet de léger mouvement. Tel le ressac de cette infinie étendue que suggère le titre, cette « mer » de peau primordiale renvoie aussi aux tissus dont nous sommes faits, nous êtres vivants, animaux ou humains, sensibles au passage du temps, que Dubuffet semble ici célébrer.

 

Ainsi Dubuffet s’exprime-t-il à propos de sa vaste entreprise de « célébration du sol » qui l’occupe de 1957 à 1959, avec notamment ses séries des Texturologies et des Topographies. Installé dans le sud de la France, il parcourt alors les hauteurs de Vence, pour y glaner toutes sortes de nouveaux matériaux, comme ces feuilles d’agave séchées. Au cœur de ce plongeon dans l’évocation illusionniste de la matière – et la suggestion de ces infinies textures – surgit l’idée d’utiliser la nature elle-même pour œuvrer à sa représentation dont La Mer de peau est un superbe témoignage. 

 

« La chaussée la plus dénuée de tout accident et de toute particularité, n’importe quel plancher sale ou terre nue poussiéreuse, auxquels nul n’aurait l’idée de porter son regard […] sont pour moi nappes d’ivresse et de jubilation. »1 

 


1. In Jean Dubuffet, « Topographies, Texturologies », Prospectus II, 1967, p. 155


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