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Conférences plénières

Colloque Culture et émotions, 12-13 mai 2022

Jeudi 12 mai 2022

Ouverture du colloque


Christine Détrez, ENS de Lyon ; Sylvie Octobre et Amandine Schreiber, Département des études, de la prospective et des statistiques (Ministère de la culture) ; Selma Toprak-Denis, Centre Pompidou ; Yanick Ricard, ENS de Lyon.


Helen Wood

Professeur d’études des médias et de la culture, Lancaster University (Royaume-Uni)

The Cultural Production of Emotion: Who cares in reality television?

 

Media and cultural studies has been concerned with affective economies and the circulation of emotion, especially their role in the performance imperatives of contemporary popular and political culture. Much of that work (including my own) has focussed on the end-products of media narratives of conflict, self-realisation and transformation many of which have come with an overall incitement to emote as part of contemporary citizenship. My work has also focused upon how the intimate stories of reality television meet their audiences in what we called "tournaments of value" (Wood and Skeggs 2012) in the ongoing processes of the valuation of selfhood in advanced capitalism.

Yet despite cultural studies’ attention to the framework of the "circuit of culture" and the interconnected nature of production to consumption, less work has focussed on the industrial production of emotion. In this paper, I discuss how emotion has become a resource to be incited and extracted in reality television via working production models characterised by precarity and insecurity. The labour involved in the cultural production of televised emotion by workers and participants has rarely been analysed for its part in the systemic reproduction of emotion that operates without an underlying principle of care. As recent attention has been drawn to the high profile suicides of reality television participants, this talk discusses the UKs new regulatory framework around duties of care in television production and argues that much still needs to be done to put a feminist ‘caring framework’ at the centre of the cultural production of emotion.
Skeggs, B and Wood, H (2012) Reacting to Reality Television: Audience, performance and value, London and New York Routledge.


Dominique Memmi

Directrice de recherche au CNRS, Cresppa-CSU (France)

Le « tournant émotionnel » en sciences sociales : intérêts et limites

 

Depuis une vingtaine d'années dans les pays anglo-saxons et une dizaine d'années en France, une science sociale « des émotions » a émergé. L'engouement est considérable, tant l'objet offre de séduction et apparaît, à certains égards, libérateur. Quels sont les premiers enseignements, positifs mais aussi négatifs, à retenir de cette aventure ? Comment s'assurer d'une marche plus cumulative en direction des émotions ? Après un inventaire rapide des travaux dans ce domaine, sera présenté ici un bilan des bénéfices et des problèmes épistémologiques produits par cet engouement.


Janice Radway

Professeur de communication et Professeur d’études américaines et études de genre, Northwestern University (USA)

Girls, Zines, and Their Travels: Imagining Affectively Generative Lives, Crafting Archives for a New Century

 

Les comptes rendus descriptifs et analytiques des magazines de filles (girl zines) ont proliféré sur la scène publique depuis leur explosion dans les années 1990. Les recherches portant sur les archives de ces magazines suggèrent que les filles et les jeunes femmes de l'époque ont en fait créé et fait circuler des magazines pour toute une série de raisons, qui varient en fonction des contextes.
En s'appuyant sur l’analyse approfondie de ces archives, cette présentation soulignera la variabilité de la pratique des magazines par les filles et le fait que, sous cette variabilité apparente, un nombre significatif de filles et de jeunes femmes ont gravité vers la forme du zine au cours de cette décennie très instable. Cette présentation soutiendra l’idée que les filles se sont tournées vers les magazines dans le cadre d'une lutte pour ré-imaginer la subjectivité et la sociabilité de manière affective, plus fluide, plus poreuse et plus collaborative que les modèles recommandés par les anciennes formes et institutions comme le roman, l'école, la famille bourgeoise et même le magazine. La présentation s'aventurera également à suggérer que les "girl zines", en tant que genre et archives, étaient un produit collectif généré au fil du temps par une série d'individus et d'institutions travaillant dans leurs propres domaines distincts et à leurs propres fins, mais dont le travail a généré une forme culturelle identifiable et continuellement utile.


Vendredi 13 mai 2022

Ingyu Oh

Professeur, Kansai Gaidai University (Japon)

Gendered Melancholia as a Sociological Motivator for Fandom Participation: The Case of Hallyu

 

La mélancolie est un concept de la Renaissance qui fait référence à une dépression psychique stimulant la créativité masculine. Michel-Ange et Léonard de Vinci en sont des figures emblématiques. À l'époque moderne, les philosophes féministes et les critiques d'art ont constaté que la mélancolie est également très répandue chez les femmes écrivains, notamment celles qui sont hautement créatives à l’instar de Virginia Woolf. Une éminente spécialiste de l'étude féministe de la mélancolie, Judith Butler, a également soutenu que la mélancolie genrée est la forme la plus ancienne de tous les types de mélancolie : elle se retrouve chez toutes les femmes, qui font l'expérience d’inégalités de genre, y compris les femmes (cis)hétérosexuelles. En sociologie, on attribue les causes de la dépression mélancolique aux discriminations sexuelles, raciales et postcoloniales que connaissent respectivement les femmes, les minorités raciales et ethniques et les migrants postcoloniaux. Cependant, il existe peu d'études expliquant la relation entre la mélancolie genrée et la participation au fandom. Les données d'une enquête collectées dans quinze pays confirment mon hypothèse selon laquelle la mélancolie genrée incite les femmes de toutes les régions du monde à participer au fandom de la Hallyu et de la K-pop, ou culture pop coréenne. En outre, les hommes fans de Hallyu qui connaissent une mélancolie genrée sévère en raison de leur homosexualité ont tendance à participer à la culture pop coréenne de manière plus loyale que les femmes. Dans cette communication, je discuterai plus largement du contexte théorique de la mélancolie genrée avec la mélancolie raciale et postcoloniale afin de comprendre le fandom Hallyu dans le monde du 21e siècle.


Samuel Lézé

Maître de conférences HDR en anthropologie des sciences, ENS de Lyon (France)

Le trac

 

L’attente d’une « conférence d’ouverture » est de susciter une émulation intellectuelle. Le message aura-t-il la tonalité suffisante pour avoir une portée dans les discussions du colloque et, bien au-delà, dans les développements du domaine de recherche ? La réception seule le dira. Or, le bon déroulement de la rencontre relève de ce cadre culturel qui organise les rapports spécifiques entre un orateur et son public. Le rôle de l’orateur implique d’animer son public selon la rhétorique de son choix. Mais, en retour, le public a un rôle rhétorique souvent oublié sous la forme d’une masse abstraite et impersonnelle alors qu’il anime aussi l’attente de l’orateur, bien avant l’heure fatidique des circonstances de la rencontre. Une des marques critiques du public sur l’orateur est le trac. Que peut faire un anthropologue sinon procéder à l’analyse culturelle d’une passion provoquée par la situation même qu’il ne peut plus fuir ? 
L’intérêt de cette forme élémentaire de peur est donc d’ouvrir la discussion sur l’enchevêtrement de quatre dimensions menant à une analyse culturelle des passions :

  1. La description de mon expérience d’orateur au cœur d’un rapport de forces, effet de passions et d’actions réciproques.
  2. La genèse de la formation du langage social du trac dans l’argot du théâtre au 19e siècle et sa diffusion culturelle pour dire l’expérience de toute prise de parole publique aujourd’hui.
  3. Les transformations de ce langage dans les théories physiologiques et psychologiques des émotions au 20e siècle et la diffusion contemporaine des trucs et astuces du développement personnel.
  4. L’analyse culturelle des manières de sentir et de dire nos rapports sociaux montre qu’une passion est avant tout une estimation révélatrices des frontières morales du désirable et de l’indésirable.

Merja Laukia et Christian Sermet

Respectivement : Directrice des collections et des expositions et Responsable du service des expositions, Musée des Confluences de Lyon (France)

L’émotion dans l’exposition, pour mieux comprendre et donner du sens