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Le Centre Pompidou &... Richard Linklater

Boyhood, Before Sunrise, Slacker... Le réalisateur et scénariste américain, auquel le Centre Pompidou offrait une rétrospective complète en 2019, est de retour ces jours-ci pour présenter pas moins de quatre films inédits en France — dont Bernadette a disparu (avec Cate Blanchett) ou encore le documentaire Hometown Prison, plongée dans l'univers carcéral du Texas, dont il est originaire. Rencontre avec le cinéaste en plein tournage parisien de son prochain film, Nouvelle Vague.

± 4 min

Rares sont les cinéastes qui se tiennent sur une ligne de crête entre grand public et expérimentation, qui inventent au sein de formes populaires. Né en 1960 au Texas où il vit toujours, cinéphile passionné et réalisateur autodidacte, Richard Linklater est de ceux-là. Depuis le milieu des années 1980, il travaille tous les genres au sein de toutes les économies, développant ses propres projets (Slacker, 1991 ; la trilogie Before Sunrise, Before Sunset, Before Midnight, 1995-2013), tout en collaborant ponctuellement avec Hollywood (Rock Academy, 2003 ; A Scanner Darkly, 2006).

 

En 2014, son film Boyhood, qui voyait un garçon grandir et sa famille vieillir avec lui par la vertu d’un tournage étalé sur douze années — une entreprise unique dans l’histoire du cinéma, lui valait une pluie de récompenses (dont l'Ours d'argent du meilleur réalisateur au festival du film de Berlin). Ces jours-ci, le Texan est en plein tournage à Paris pour Nouvelle Vague, un film à petit budget qui se veut un hommage aux pionniers français, de Godard à Truffaut. Richard Linklater : « La fin des années 1950 et le début des années 1960 étaient vraiment des périodes passionnantes. Les cinéastes français étaient les plus stylés, les plus inventifs, les plus radicaux ! Avec mon film, j’essaie de capturer l’excitation première du cinéma, cet esprit de pure nouveauté, de fraîcheur, de spontanéité qui régnait à l’époque, quand le cinéma était un moyen d’expression personnel, et non un outil de storytelling commercial. » Rencontre avec un créatif enthousiaste.

« La première fois que j'ai entendu parler du Centre Pompidou, c'était lors de son ouverture, dans les années 1970. Je me souviens avoir vu des photos dans le journal, et les remarques des gens qui trouvaient que le bâtiment était vraiment hideux ! Encore hier, je discutais avec les jeunes acteurs de mon prochain film, Nouvelle Vague. Je leur disais combien j'aimais le bâtiment, sa radicalité, et ils n'étaient pas du tout d'accord… C'est drôle, cinquante ans plus tard, les gens se disputent toujours à propos du Centre et de son architecture !

 

Je n'oublierai jamais la première fois que je suis venu à Paris, et que j'ai vu le Centre Pompidou, c'était fou.

Richard Linklater

 

Je n'oublierai jamais la première fois que je suis venu à Paris, et que j'ai vu le Centre Pompidou, c'était fou. Je suis familier des musées dessinés par Renzo Piano, il y en a d'ailleurs un dans ma ville natale de Houston, au Texas. Il s'agit du Menil Collection, qui se trouve tout près de la chapelle Rothko. Fondé par un couple de collectionneurs d'art franco-américain, John et Dominique de Menil, c'est un musée assez petit, mais réellement fabuleux, qui figure parmi les chefs-d'œuvre de l'architecture contemporaine. J'ai une profonde admiration pour les architectes. Encore récemment, j'étais au Musée devant Le Magasin de Ben, une sorte d'assemblage de matériaux ; indépendamment ils n'ont que peu de valeur, mais une fois réunis, ils font œuvre… Et je trouve que c'est une bonne description du Centre Pompidou. De l'extérieur, on aperçoit cette structure d'ensemble, les conduits d'air, les câbles, le verre — tout cela est en fait un gigantesque objet d'art.

Prendre la fameuse Chenille a toujours quelque chose d'excitant, et la vue changeante sur Paris est fantastique. Ce que j'aime à Pompidou, c'est la montée graduelle jusqu'au toit-terrasse, c'est très cinématographique. J'aime aussi l'idée de m'y balader sans but. J'ai à chaque fois la sensation d'une expérience nouvelle. Dominique de Menil et son mari John ont transformé le paysage culturel de Houston. Ils étaient à l'origine parisiens, et il y a de nombreuses œuvres d'Yves Klein dans leur collection.

 

Au Centre Pompidou, on peut voir l'une de mes œuvres préférées de l'artiste, L’Arbre, grande éponge bleue. Est-ce un arbre ou... un cerveau ? J'aime la contempler, c'est une sorte d'Yves Klein en 3D.

Richard Linklater

 

Au Centre Pompidou, on peut voir l'une de mes œuvres préférées de l'artiste, L’Arbre, grande éponge bleue. Est-ce un arbre ou... un cerveau ? J'aime la contempler, c'est une sorte d'Yves Klein en 3D. À mon sens, c'est peut-être là l'une de ses pièces les plus incontournables. Lorsque j'étais de passage à Paris pour la rétrospective donnée en mon honneur au Centre (en 2019, ndlr), j'ai pu visiter en très petit comité la grande exposition consacrée à Francis Bacon. C'était inoubliable de se retrouver là, seul parmi toutes ces toiles de Bacon… L'un de mes enfants m'en parle encore aujourd'hui comme l'un des après-midis les plus mémorables de sa vie. ◼