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ORLAN

Le Baiser de l'artiste, 1977

 

L'œuvre

Issu d’une performance sauvage à la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) qui fit date et scandale, ce triptyque est constitué d’une impression photographique sous plexiglas, d’un document où l’image est coupée en trois et d’une bande-son. Cette œuvre rappelle combien l’irruption d’ORLAN dans un milieu de l’art conformiste était audacieuse, provocatrice mais aussi didactique quant au rôle dévolu aux femmes.

Le document laisse entrevoir le dispositif de son action et donne le ton vis-à-vis du traitement du corps de la femme, ici tronçonné comme dans un tour de magie. On y voit l’artiste installée derrière une photo de son buste nu contrecollée sur bois. La photo est percée d’une fente avec la mention « introduire 5 francs - Le baiser de l’artiste » tel un distributeur automatique. Dans sa performance, elle interpellait non sans humour les passants et passantes à la manière d’une attraction de fête foraine, comme le relate le texte intégré au recto du triptyque : « Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, un vrai baiser d’ARTISTE. 5 francs, c’est pas cher, Profitez-en ! ». Le cas échéant, ORLAN leur donnait pour de vrai un baiser, et pas n’importe quel baiser, un baiser d’ARTISTE : jouant avec le mythe du génie, de l’être exceptionnel, elle laissait entendre que son statut de créatrice en sublimait la valeur.

La représentation de la femme nue dans l’art, le corps-objet féminin, la prestation sexuelle tarifée, toutes ces images récurrentes sont détournées par l’artiste. Au recto, la photo du dispositif complet de la performance montre que l’œuvre cohabitait avec un grand autoportrait baroque en Sainte Thérèse à qui on pouvait dédier un cierge. C’est finalement aux clichés autour de la sexualité de la femme que s’attaque ici l’artiste, de l’extase de la sainte chaste à la soumission au désir de l’homme. 


Il existe d’autres œuvres autour de cette performance : le dispositif fait partie des collections du FRAC des Pays de la Loire (achat à l’artiste en 1999) alors que ce triptyque a été acquis avec d’autres pièces et documents par le Musée national d’art moderne en 2009.


Biographie

« Un nom d’artiste, c’est un nom d’artiste. Moi, c’est clair, j’ai voulu couper avec le nom du père et le corps de la mère. Je me suis choisi un nom qui n’est ni masculin, ni féminin. », explique ORLAN dans un entretien de 2014. Ces quelques mots font d’emblée comprendre que selon elle, être artiste, c’est avant tout se réinventer soi-même. Née dans une famille modeste de Saint-Étienne, elle se forme au Conservatoire d’art dramatique et à l’École des Beaux-Arts de cette ville.

Dès l’âge de 17 ans, elle se met en scène reprenant des œuvres classiques sous la forme de tableaux vivants. Son corps devient dès lors, le réceptacle et le sujet de toute son œuvre. Dès 1964, elle crée une œuvre représentative de cette démarche, une photographie intitulée ORLAN accouche d’elle m’aime où elle se met en scène, femme, nue, avec un autre être, au corps neutre, sortant de son corps. La transformation de soi – ORLAN parle aussi de « sculpture de soi » – est au cœur de son travail. Dans le prolongement de ses premières œuvres photographiques et performances, elle a entamé un processus de modification de son corps par des séries d’opérations chirurgicales rendues publiques, invitant à penser une libération des déterminations corporelles, jusqu’au transhumanisme.

D’un rapport critique au corps selon un point de vue social féministe, ses problématiques ont évolué vers des expérimentations de plus en plus liées à la technologie et même aux biotechnologies. ORLAN a d’ailleurs défini ce rapport artistique au corps comme un « art charnel » : « un travail d’autoportrait au sens classique, mais avec des moyens technologiques qui sont ceux de son temps. Il oscille entre défiguration et re-figuration. Il s’inscrit dans la chair parce que notre époque commence à en donner la possibilité. Le corps devient un « ready-made modifié » car il n’est plus ce ready-made idéal qu’il suffit de signer. » (Manifeste de l’Art charnel, 1989). 


Pour aller plus loin


Focus sur ORLAN, Le Baiser de l'artiste

réalisé dans le cadre du MOOC « Elles font l'art » produit par le Centre Pompidou en 2021 

Durée : 5'